Banques-Finances : Entretien exclusif avec Sylvère Bankimbaga, le nouveau Président du Club des Dirigeants de Banques et Etablissements de Crédits d’Afrique

Monsieur Sylvère Bankimbaga, Administrateur Directeur Général Adjoint de la Banque Commerciale du Burundi « BANCOBU » a été porté à la tête de la présidence du Club des Dirigeants de Banques et Etablissements de Crédits d’Afrique lors des dernières Journées Annuelles tenues à Bamako du 13 au 15 février 2020. Dans cet entretien exclusif accordé à ECODAFRIK, le banquier décrypte l’actualité du secteur bancaire en Afrique et les défis, les performances de la BANCOBU et sa vision pour le club pour sa mandature.
Ecodafrik : Monsieur BANKIMBAGA votre parcours fait montre d’un cheminement exceptionnel et apprécié par vos pairs dans le domaine de la banque. En témoigne vos différentes responsabilités dans les instances dirigeantes d’institutions financières au Burundi, dans la Région des Grands Lacs et au Club des Dirigeants de Banques et Etablissements de Crédits d’Afrique. Quelle lecture faites-vous du climat actuel de votre secteur dans la région de l’Afrique de l’Est ?
Monsieur Sylvère BANKIMBAGA : Les pays membres de la Communauté de l’Afrique de L’Est connaissent, en règle générale, un léger redressement de leur économie grâce notamment aux prix relativement stables du pétrole et des produits de base, à une production agricole plus forte, aux réformes structurelles propices à une amélioration du climat des affaires et à l’intégration régionale qui se poursuit.
Le taux de pénétration bancaire est tiré à la hausse surtout au niveau des particuliers par la diffusion rapide des comptes mobiles dans l’ensemble de la région.
Certes les défis à relever sont encore nombreux : l’accès aux financements reste un obstacle pour les entreprises de toute la région. Dans certains pays, les prêts au secteur public se substituent à ceux accordés au secteur privé.
Autre préoccupation majeure : la diminution des relations de correspondants bancaires. Face à ce phénomène, la réponse devrait être la consolidation du secteur avec la constitution ou le renforcement des groupes bancaires régionaux et une intensification des expansions transfrontalières.
En 2008, vous avez rejoint la Gouvernance de à la Banque Commerciale du Burundi « BANCOBU » en qualité d’Administrateur Directeur Général Adjoint. Comment se porte votre institution depuis ?
La BANCOBU se porte bien ; elle est désormais leader sur le marché domestique et compte le rester durablement. Nous avons pu réaliser cette performance grâce aux expériences et aux qualités personnelles des Directeurs Généraux successifs avec qui j’ai la chance de partager la gouvernance de la BANCOBU. Je veux parler de Monsieur Jean CIZA actuel gouverneur de la Banque centrale, et Monsieur Gaspard SINDAYIGAYA, actuel ADG qui comme son prédécesseur, a une solide connaissance de la profession. Notre réussite est aussi le résultat de la mobilisation et de l’implication de tous les collaborateurs de la banque. Nous avons désormais des ambitions d’excellence au niveau régional de sorte à être à la fois un acteur national de référence qui se distingue par l’innovation et un établissement qui accompagne efficacement l’intégration régionale.
Le secteur bancaire rencontre d’énormes mutations technologiques et règlementaires ces dernières années, contraignant les banques à revoir leurs stratégies afin de s’adapter. Qu’en est-il de la BANCOBU à ce sujet ?
La stratégie de développement de la BANCOBU repose sur sa correcte gestion et l’amélioration en continue de son modèle économique ; ceci se traduit par un accroissement des encours sains, le maintien d’une profitabilité à long terme, assurant la pérennité de l’activité.
Depuis 2008, nous avons démarré une campagne de mobilisation de ressources technologiques et humaines pour avoir une structure de gouvernance efficace et adaptée aux standards de la profession.
En 2014, nous avons lancé le Plan Stratégique 2017 avec pour objectif de devenir la banque burundaise la plus performante de façon durable. Dans le prolongement de ce plan, nous avons initié le plan de transformation 2018-2022, centré sur l’innovation, la productivité et la rentabilité. Ceci nous a permis d’améliorer l’accessibilité de nos produits à travers l’extension de notre réseau qui est passé de 18 à 45 sites d’exploitation (agences et guichets) entre 2008 et 2018 et le déploiement du multicanal grâce à la digitalisation des services bancaires. Nos performances s’en ressentent clairement puisque de 2008 à 2018, la taille de notre bilan a été multiplié par 7 ; le PNB par 6. La Banque affiche les meilleurs taux de rendement de la place. Nos performances pour 2019 sont encore meilleures.
Le Club des dirigeants de banques et Etablissements de Crédits d’Afrique est une association qui regroupe l’état-major des banques africaines. Vous venez d’être porté à la tête de cette organisation. Comment avez-vous accueilli cette marque de confiance de la part de vos pairs ?
D’abord avec joie ; je crois que cette confiance est liée à notre participation active au sein du Club depuis plus d’une dizaine d’années ; j’y vois également une reconnaissance des efforts réalisés par le secteur financier du Burundi en termes d’innovations et de rentabilité. Au-delà du secteur financier, je pense que c’est une perception plus juste des opportunités d’affaires qu’offre notre pays qui a déterminé mes pairs à me choisir pour diriger le Club mais aussi à désigner le Burundi pour organiser ses prochaines journées annuelles qui se tiendront en Février 2021 à Bujumbura. Pour toutes ces raisons je suis reconnaissant aux membres pour leur confiance.
A votre avis quels sont les apports du Club pour la profession bancaire en Afrique ?
Le Club est un forum qui permet aux dirigeants de banque de se rencontrer et d’échanger sur les sujets d’intérêts pour la profession. C’est aussi un espace de réflexion et de formation dédié à ses membres où interviennent des experts de niveau international sur des thématiques diverses : risques, réglementation, transformations technologiques, moyens de paiement innovants etc. C’est donc une belle vitrine sur les enjeux de la profession et un outil qui contribue au développement du secteur financier du continent.
En votre qualité de nouveau Président, quelle est votre vision pour le Club pour les prochaines années ?
Le Club a passé le cap des trente ans, l’année dernière ; c’est un bel âge à mon avis, pour opérer une mutation qualitative pour mieux s’adapter au contexte et enjeux de la banque africaine d’aujourd’hui. Le Club doit en effet s’ouvrir davantage aux établissements de crédit au-delà de l’espace francophone ; il doit mieux structurer et étoffer son offre de formation car il y a un besoin important de formation au sein des banques. Par ailleurs, le Club doit renforcer sa capacité en matière de lobbying pour mieux éclairer les régulateurs et nos différents partenaires en affaires, sur les réalités et les efforts que déploient les banques d’Afrique.
Les jeunes africains sont en quête de modèle sur le continent. Votre riche parcours a convaincu plus d’un. Quels conseils pouvez-vous donner à tous ces jeunes qui aimeraient faire carrière dans la banque ?
La banque offre un éventail assez large de métiers aussi passionnants les uns que les autres. C’est donc un cadre idéal pour les jeunes qui veulent faire carrière. Mais la réussite repose sur le travail soutenu, la rigueur et la patience. Pour avoir une expertise reconnue et utile pour la profession, les jeunes doivent comprendre qu’il faut du temps et qu’il ne faut pas bruler les étapes. Ce temps long doit être mis à profit pour apprendre, se remettre en cause, et construire un parcours solide dans les différents métiers de la banque. En me fondant sur mon expérience personnelle je pense que travail, rigueur et patience sont les clés d’une carrière réussie dans la banque.
Entretien réalisé par BS
Balguissa Sawadogo
Ecodafrik